Près du fleuve

C’est une sensation si étrange que j’ai ressenti les premiers jours en brousse, un peu comme de vivre dans une autre époque, une époque lointaine. Ici, quand on quitte la ville et que l’on s’enfonce dans les zones protégées et dans les réserves, on se trouve vite hors du temps avec des journées rythmées par le lever et le coucher du soleil. On se lève à l’aube car c’est un moment magique.

Le chant des oiseaux commence doucement, presque timidement, il y a encore quelques brefs instants de silence entrecoupés de cris et de roucoulements. Puis le son monte en puissance et la variété des timbres crée une symphonie où chacun joue sa partition de plus en plus fort. Il y aussi ces graminées et ces fleurs sauvages qui ondulent sous la brise et dont les parfums sont plus puissants quand le soleil commence à les chauffer. Je bois un café en laissant mon regard se porter vers le fleuve qui se détache sur la terre rouge.

Quand nous avons atteint le fleuve Ewaso Ngiro, j’ai vu un spectacle inoubliable, des éléphants en grand nombre qui se baignent et se désaltèrent et des petits éléphanteaux joyeux qui jouent à se défier puis s’aspergent de boue. Quand les mères jugent qu’ils ont assez joué, elles les rappelent à l’ordre avec des mouvements de trompe. Je me suis amusé à compter les éléphants. Ils sont environ une centaine répartis en plusieurs groupes et je comprends qu’il y a un protocole qui régit leurs comportements. Il n’y a pas de désordre, chaque groupe attend son tour avant de profiter de l’eau. Quand ils ont fini, ils traversent le fleuve en prenant garde que les petits ne soient pas emportés par le courant. Nous sommes restés la plus grande partie de la matinée à l’ombre des palmiers Doum, à contempler ce spectacle. Le cadre est magnifique avec au loin les collines et les montagnes qui bordent Samburu.