Un matin à Serengeti

Il est six heures. Assis devant ma tente je savoure le thé qu’on vient de m’apporter.

La brousse s’éveille déjà depuis une demi-heure, caressée par le soleil qui rase les plaines. Notre camp situé sur une colline domine les plaines sans fin de Serengeti, parsemées ça et là de gros rochers qui semblent être des îles. Un paysage unique que rien ne vient enlaidir. Il n’y a rien d’autre que la nature, pure, simple, immuable.

Les oiseaux chantent et se répondent, sans cacophonie. Chacun joue sa partition et ce chant enfle au fur et à mesure que le soleil monte. Un peu plus loin j’aperçois Mbaga, notre maître d’hôtel, qui met la dernière main à l’installation de la table du breakfast dans le mess.

A quelques mètres à peine, des girafes mâchent patiemment des feuilles d’acacias en nous regardant de leurs grands yeux ourlés de longs cils. A quelques distances un troupeau d’éléphants passe, majestueux, en direction de la rivière.

Nous déjeunons rapidement pour pouvoir partir avant 7:00. A environ 2 kilomètres du camp Kipo notre guide a repéré des lionnes et coupe le moteur en nous faisant signe de ne pas faire de bruit. A 100 mètres de là, tapies dans les herbes sèches, je découvre une lionne immobile comme une statue et qui ne quitte pas des yeux un troupeau de zèbres. Sans parler Kipo me montre 2 autres lionnes cachées plus à droite puis un autre groupe de 3 que je n’arrive pas à distinguer. Ce guide a vraiment des yeux de lynx ! Les félins sont patients, à nous de l’être aussi si nous voulons avoir la chance d’assister à une chasse.

En fixant attentivement les lionnes avec des jumelles je vois qu’elles rampent très très lentement vers les zèbres. Leurs déplacements sont presque imperceptibles. Les zèbres sont des animaux méfiants nantis d’un excellent odorat et d’une ouïe fine. Dans le troupeau certains ne broutent pas et servent de sentinelles.

Je comprends que les lionnes tentent de les encercler, seule façon pour elles de pouvoir en attraper un.

Mes deux enfants d’habitude si toniques sont parfaitement silencieux.

Après un long moment Kipo me touche le bras et pointe du doigt une lionne prête à s’élancer. Je peux voir son corps incroyablement musclé et son profil tendu.
Là, plus loin, je vois maintenant les 3 lionnes que je n’arrivais pas à discerner auparavant. Il y a donc bien 6 lionnes au total encerclant un troupeau de zèbres que j’estime à 50 têtes.

Les zèbres sont nerveux et en alerte. La plupart ont cessé de brouter. La lionne qui semble diriger la manoeuvre est prête à attaquer, son long corps est tendu comme un arc.

Soudain elle s’élance et en même temps qu’elle, les 5 autres lionnes. Le troupeau tente d’échapper à l’embuscade et part au galop dans tous les sens, changeant sans cesse de direction. Les lionnes sont moins rapides mais très organisées, elles chassent en équipe. Comme s’ils étaient spectateurs du drame qui se noue, les oiseaux et les insectes ont cessé de chanter et seul le martélement des sabots résonne sur la terre sèche. Les lionnes réussissent à isoler un zèbre. L’une d’elles lui fait face pour tenter de saisir son museau pendant qu’une autre va tenter de plus loin de saisir son encolure. Les autre lionnes se rapprochent pour l’halali laissant fuir le reste du troupeau. Sentant venir la mort le zèbre dans un effort désespéré se met à se cabrer et à ruer en tous sens. Profitant de l’hésitation des félins, il fonce dans notre direction et passant à quelques mètres du 4×4 il réussit à s’enfuir. Dépitées les lionnes renoncent et préfèrent garder leurs forces pour plus tard.

Mes enfants sont contents que le zèbre s’en soit sorti ! Ce soir à la veillée nous leur expliquerons qu’il n’y a pas de violence gratuite dans cette nature et que les félins prélèvent seulement ce dont ils ont besoin pour vivre.